Allo ! Hello! Stéphane Laporte


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C’est le débat de la semaine. Selon les données du recensement 2016 publiées par Statistiques Canada, l’utilisation prédominante du français dans les milieux de travail a légèrement reculé. C’est un constat préoccupant, mais qui demeure flou. Qu’entend-on par utilisation prédominante ? Que veut-on dire par légèrement reculé ? Les politiciens, maniant habilement l’art de simplifier les faits pour pouvoir mieux s’engueuler, ont résumé la question ainsi : doit-on interdire le Bonjour ! Hi ! ?

Le Bonjour ! Hi !, c’est la façon avec laquelle plusieurs vendeurs accueillent les clients dans les boutiques de Montréal. On ne prend pas de risque. On veut être sûr que le futur acheteur se sente salué. Quoique, à part quelques joueurs du Canadien, il n’y a pas grand-monde en ville qui ne sait pas ce que veut dire bonjour. Même les touristes le savent. C’est si joli, le mot bonjour. Ça rime avec amour.

Pour Jean-François Lisée, le Bonjour ! Hi ! est à bannir, car il est le symbole de la généralisation du bilinguisme. François Legault et Gabriel Nadeau-Dubois, eux, se disent agacés par le Bonjour ! Hi !. Tandis que Philippe Couillard a d’abord trouvé tout ça ridicule, avant de se rallier à une motion de l’Assemblée nationale, adoptée à l’unanimité, qui réclame que le mot bonjour, uniquement, soit la formule d’accueil utilisée dans les commerces.

Ce n’est plus simple comme bonjour. C’est compliqué comme bonjour, hi !.

Entre vous et moi, ce qu’il y a de plus irritant dans le Bonjour ! Hi ! ce n’est pas son bilinguisme, c’est son impersonnalisme.

Qui que tu sois, francophone ou anglophone, tu n’as pas vraiment l’impression que quelqu’un te salue personnellement, quand tu entends Bonjour ! Hi !. Tu as la sensation qu’on s’adresse à au moins deux personnes. Ou même à une foule. On dirait un chanteur rock au Centre Bell. Bonjour ! Hi ! Ça va, Montréal ? Bref, pour un accueil chaleureux, on repassera.

Un commerçant rusé qui tient à saluer, en même temps sa clientèle francophone et anglophone, pourrait régler le problème de façon très simple.

Suffit de dire Allô ! Hello !.

Allô, c’est en français. Hello, c’est en anglais. Mais ça sonne pareil. Le client francophone va croire qu’on lui a dit Allô, allô ! Le client anglophone va croire qu’on lui a dit Hello ! Hello ! Et tout le monde sera content. Même un Allemand sera content, puisque dans sa langue, on dit Hallo !

Si un vendeur veut vraiment s’assurer d’accueillir un client dans sa langue, alors qu’il ne lésine pas sur les versions possibles, qu’il lance un Bonjour ! Hi ! Buenos dias ! Buongiorno ! Hola ! Konnichiwa ! Geia Sas ! Privet ! Merhaba ! Zdraveite ! Halla ! Sabah alkhyr ! Ni hao ! Ahoj ! Annyeonghaseyo ! Hei ! Au moins, c’est distrayant.

De toute façon, l’essentiel, c’est ce qui se passe après. Après le Bonjour ! Hi !. Après les salutations. Quand vous demandez au vendeur : « Avez-vous ça dans le small ? » Pis qu’il vous regarde décontenancé : « Sorry. I don’t understand… » Ça, ça passe pas. C’est de la mauvaise foi.

Je sais, les fin finauds vont dire que le client francophone a utilisé le mot small. Qu’il est mal placé pour se plaindre puisqu’il utilise un mot anglais. Wo ! Stop ! Le client a toujours raison ! Le client a le droit de parler tout croche, s’il le veut. C’est lui qui paie ! On n’est pas ici pour faire le procès des clients. On est ici pour faire le procès des vendeurs !

On ne peut pas légiférer contre les francophones qui abordent les vendeurs en anglais : « Hi ! Can you show me the little black dress, please. » Gros fail. Mais passons… Ne nous enfargeons pas dans les fleurs du tapis, surtout pas en Adidas.

Donc ce qui est inacceptable, c’est de ne pouvoir être servi en français à Montréal.

Qu’est-ce que ça donne, que le vendeur dise seulement bonjour, et pas hi, si le seul mot de français qu’il maîtrise, c’est bonjour. Le mot à bannir, c’est pas hi. Le mot à bannir, c’est sorry.

Non, on ne peut pas t’excuser. Si ton job, c’est d’être un chauffeur de taxi, il faut que tu saches conduire un char. Si ton job, c’est d’être un cuisinier, faut que tu saches faire cuire un œuf. Si ton job, c’est de servir le public, faut que tu saches parler la langue de la majorité du public. Tu peux en parler 72 autres, si tu veux, mais faut que tu parles le français. C’est une évidence.

« Ces souliers-là, les avez-vous dans la pointure 9 ?

– Sorry. I don’t understand… »

Qu’est-ce qu’on fait dans ce temps-là ? Ça dépend des souliers. Si on capote vraiment dessus, on va dire : « Do you have it in nine ? » Faut pas ! Faut vraiment pas ! Faut aller ailleurs. On ne peut pas exiger que quelqu’un nous respecte si on n’agit pas pour se faire respecter.

L’ouverture dans les magasins, ce n’est pas seulement une question d’heures et de jours. C’est l’ouverture envers la clientèle. Et envers le fait français. Tant mieux, si le vendeur peut parler en anglais à l’anglophone, en espagnol à l’Espagnol, en italien à l’Italien, en russe au Russe. Pourvu que ce commerce soit avant tout ouvert à la nation qu’il dessert. Que Montréal soit une ville francophone ouverte aux autres. Et pas une ville neutre, fermée à elle-même.

Sur ce, bonsoir !

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